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Autodafé

J'émergeais hier matin du RER C, quai Branly, lorsqu'une odeur curieuse m'atteint comme une madeleine de Proust ; c'était le parfum ô combien rare à Paris d'un arbre en fleurs, qui fugitif me parvint aux narines nappé de vapeurs d'essence. Un silence quasi-religieux habilla cette incroyable sensation, pendant un instant minuscule - si fugace qu'en débouchant à l'air libre, après les escaliers de la bouche de métro, je demeurais une ou deux secondes immobile pour la retrouver.


L'odeur avait disparue - engloutie sous l'ordinaire parisien, fait de l'urine des chiens, des pots d'échappement et du bitume chauffé au soleil.
Je tâchai d'identifier l'arbre dont le souffle indistinct m'avait frappé. Je fis quelques pas vers la Seine, où d'indiscutables hommes d'affaires joggaient leur début de matiné à petites foulées ridicules, où de drôles de chiens bouclés attendaient patiemment au bout d'une laisse que leur maîtresse ait fini ses petites affaires. Le parfum avait disparu.
Tandis que je rejoignais le capitaine Scott dans son crochet, l'idée me vint que, décidément, les arbres, dérisoires pantins levant les bras au ciel en une muette supplication, n'avaient trouvé pour contenter leur mégalomanie - et leur volonté de conquérir le monde - que ce drôle de moyen consistant à disséminer leurs pollens aux quatre vents.
Puis vint le moment où je me rendis compte qu'il y avait peu de chances pour qu'il existât des gymnospermes en bord de Seine - une recherche sur Wikipédia suffira à vous en convaincre, sinon à vous apprendre ce que sont gymnospermes et angiospermes.
Ce que j'avais senti, alors, ne pouvait être - à moins d'un hasard suspect - le pollen d'un arbre en fleurs. Peut-être était-ce l'eau de toilettes bon marché d'un promeneur, ou plus sûrement le fruit de mon imagination olfactive, débordante dés lors que je n'ai pas le nez pris.

Quoiqu'il en soit, il apparaît que les encyclopédies sont des brise-rêves.
Je propose donc de brûler tous les dictionnaires, encyclopédies, manuels ; en somme tout ce qui a vocation d'expliquer ce qui n'a pas à l'être. Cela permettrait d'éviter que l'on m'explique les ricochets à la surface de l'eau, la mémoire affective et le coup de boule de Zidane.



Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l’infini et qui, bien des siècles après qu’est éteint le foyer dont il émanait, qu’il s’appelât Rembrandt ou Vermeer, nous envoient encore leur rayon spécial.
Ce travail de l’artiste, de chercher à apercevoir sous la matière, sous de l’expérience, sous des mots, quelque chose de différent, c’est exactement le travail inverse de celui que, à chaque minute, quand nous vivons détourné de nous-même, l’amour-propre, la passion, l’intelligence, et l’habitude aussi accomplissent en nous, quand elles amassent au-dessus de nos impressions vraies, pour nous les cacher entièrement, les nomenclatures, les buts pratiques que nous appelons faussement la vie.

Proust (Le Temps retrouvé)

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